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Journaliste pour plusieurs grands médias, la jeune Ékia Badou porte plusieurs casquettes. Membre du jury du dernier concours de Miss Côte d’Ivoire France, présentatrice lors du dernier Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, ce discret et talentueux bout de femme ne cesse plus de faire parler de lui, et est de plus en plus présent dans le milieu culturel. Mais pas seulement.

Ekia Badou, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Titulaire de la carte de presse depuis huit ans, je reste encore une journaliste sans employeur fixe (sourire). Après une saison passée en remplacement de Robert Brazza sur Africa N°1, il m’arrive encore de délaisser le côté sérieux et rigoureux de l’actu pour la casquette d’animatrice.

Je suis également conseillère en image. Parfois, j’accepte des missions en tant qu’attachée de presse, quand le projet me botte. Pour quelques privilégiés, je deviens occasionnellement « personal shopper ». Sinon, depuis très jeune, je pratique des activités artistiques comme le chant ou le théâtre. Je pense être une artiste refoulée. Un jour, vous me retrouverez sur les planches. Mais avant d’y songer, je dois mettre au monde mon bébé prévu pour juin. Un blog nommé Miss Cotton, aussi sage et déjanté que sa maman (sourire).

Vous avez un joli parcours dans divers médias en France. Est-ce facile de s’adapter à chacun‎ d’entre eux?

En théorie, non, mais ma souplesse d’esprit me permet de faire de grands écarts, parfois vertigineux. Pour l’écriture, j’avoue que mon cerveau travaille sans cesse et le plaisir devient parfois épuisant. L’écriture télé, l’écriture radio et la presse écrite sont vraiment différentes. Il faut jongler entre l’analyse et l’écriture courte au langage simple. À la base, j’ai une plume très imagée, métaphorique, voire poétique.

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Interview avec Landry Nguémo de l’équipe nationale du Cameroun (Août 2013)

Pendant ma formation à l’Institut pratique de journalisme (IPJ), l’une des meilleures écoles de journalisme de France, j’ai appris à écrire de façon neutre, autant que faire se peut. En revanche, sur mon blog, j’écris comme je parle dans la vie de tous les jours, avec sérieux mais surtout avec humour. Pour en revenir à mes autres casquettes, il faut vous avouer qu’en télé, on peut faire dire n’importe quoi aux images, ou les laisser parler d’elles-mêmes.

En ce qui me concerne, je les accompagne avec un texte clair et précis, juste ce qu’il faut pour les sublimer. En radio, il est plus difficile de faire ça. Il y a du son, mais il y a surtout nos mots. Et la presse écrite c’est encore une autre messe. J’ai écrit pour Jeune Afrique, Slate.fr, Le Point Afrique, Afriscope ou encore Les Dépêches de Brazzaville. J’aime écrire alors je fais l’effort de m’adapter au style de chaque ligne éditoriale…

Que préférez-vous finalement : la télévision, la radio ou la presse écrite ?

Je me suis révélée en radio car j’ai vraiment travaillé à des postes variés et pour des radios vraiment très différentes, aussi bien associatives qu’internationales. J’ai été stagiaire chez Aligre FM, puis chez Radio France International (RFI), où j’ai décroché mes premières piges pour des émissions culturelles aux côtés de Benson Diakité, Amobé Mévégué, Claudy Siar ou encore Catherine Ruelle.

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J’ai signé mon premier contrat chez France Culture en matinale, un été. J’ai fait du reportage pour France Inter ou encore pour la Radio suisse romande. Puis on m’a confié des chroniques sur Radio Nova, et j’ai eu l’immense mission de remplacer Robert Brazza sur Africa N°1. À présent, après une série de tests, je suis sur le planning des présentateurs de journaux au service monde de RFI. J’ai fait quelques vacations, c’est un challenge très intense et très excitant à la fois.

Vous venez de co-présenter le Femua à Abidjan. Quels furent les meilleurs moments de cette édition ?

Je tiens tout d’abord à remercier A’salfo, du groupe Magic System, également commissaire du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo, pour l’opportunité qu’il m’a donnée. Il n’hésite pas à donner sa chance aux jeunes qu’il sent capables de réussir. Son équipe est une grande famille, dans laquelle il faut trouver sa place. Sur scène, j’ai été seule à deux reprises, et j’ai vécu un moment magique avec le fabuleux public d’Anoumabo qui était en communion avec les artistes mais aussi très à l’écoute des interventions des présentateurs.

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Le groupe FleshyGround m’a particulièrement émue, il a d’ailleurs été ovationné par le public pour sa première venue en Côte d’Ivoire. Ses membres sont originaires d’Afrique du sud, du Mozambique et du Botswana. Leur message est donc que le métissage peut être une force

Et les pires moments de cette expérience?

Je suis quelqu’un de très positif, donc parler de « pire moment » est un peu fort, mais je peux dire que j’ai caché une petite peur par un éclat de rire communicatif lorsqu’en direct sur la chaîne nationale, j’ai crié devant 100 000 personnes, « Ça va? Vous m’entendez ? » Et en retour j’ai aperçu une partie du public secouer la tête pour dire « Non ! »… Avec humour, je dirais que mon sourire a réveillé mon micro !

Vous travaillez de temps en temps pour la chaine A+. En quoi consiste cette nouvelle activité ?

J’ai été repérée par A+ quand je travaillais encore pour Africa N°1. Je travaille en collaboration avec la direction, le service promotion et les programmes pour tout ce qui est lié à la stratégie de la chaîne. Je vois les nouveaux programmes passer, je fais des propositions pour la chaîne, j’apporte mon carnet d’adresses quand cela est nécessaire, je fais des bandes annonces… Après avoir produit et animé une émission de radio, on m’encourage à faire la même chose pour la télévision. Les moyens techniques sont plus conséquents, donc j’y réfléchis sans empressement…

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Vous avez grandi en Europe, mais grâce à vos activités vous baignez dans la culture africaine. Quel regard portez-vous sur celle-ci ?

Vaste question. La culture africaine est tellement riche que je ne sais pas par où commencer. Grâce à Internet, des artistes toutes catégories confondues ont réussi à se faire connaître. Il faut avouer qu’il y a un réel manque de structures pour aider les nombreux talents à se perfectionner et à se produire. J’espère que les choses vont évoluer encore plus, car certains pays d’Afrique francophone tentent de mettre la main à la poche, ou de collaborer avec des CCF. En musique cela fait quelques années que la musique « naija » est omniprésente, et les américains cherchent même à travailler avec des artistes du Nigeria.

Une chose est sûre, les ivoiriens et les congolais ne sont pas loin derrière et font tout pour reprendre leur place de leader. D’ailleurs, les Nigérians et Sud-africains sont en avance en matière de vidéo clips, leur qualité est bien supérieure à celle des pays francophones du continent. Le cinéma aussi a besoin de moyens.

Le théâtre, la photographie peut se partager dans la rue, mais a tout aussi besoin de structures. On peut s’en sortir avec la bidouille, mais les artistes méritent mieux car ils sont souvent porteurs de messages d’espoir et permettent tout simplement de s’évader. Respectons-les !

Quels sont vos coups de cœur 2015 du côté de la musique urbaine ‎camerounaise, l’un de vos pays d’origine ?

Quand on parle de musique urbaine, on pense en premier lieu au rap. Donc, pour ne pas répondre à côté, je vais citer le rappeur Stanley Enow qui a reçu plusieurs prix. J’aime son flow, sa façon de mélanger le « pidgin » (l’anglais camerounais) avec l’argot camerounais. Ses instrumentations sont très actuelles et il n’a rien à envier aux Américains.

Je pense également à l’Afropop qui mélange la musique traditionnelle et la pop. Je peux citer le groupe X-Maleya, dont j’ai apprécié la diversité de rythmes et mélodies, ainsi que leur concert à l’automne dernier dans la mythique salle parisienne de l’Olympia. J’aime aussi beaucoup notre Jill Scott camerounaise, la talentueuse Danielle Eog Makeda, qui chante certaines chansons dans différents dialectes avec une étonnante modernité. J’aimerais que sa voix porte en dehors du Cameroun, qu’elle traverse toute l’Afrique et l’Amérique en passant par l’Europe.

Même si je suis hors sujet, je voudrais enfin citer Blick Bassy qui a une voix très touchante. Son dernier album, Akö, est un régal, il nous fait voyager d’un village bassa à une rue de Nouvelle-Orléans. Un dépaysement vivifiant !

Un dernier mot ?

Je me trouve déjà bien bavarde. Je vous invite à me suivre sur les réseaux sociaux. Je partagerai avec vous mon carnet de voyages avec mes anecdotes rocambolesques dans la cinquantaine de pays que j’ai visités, parmi lesquels ceux de mes ancêtres : leCameroun, l’Angola, la Côte d’Ivoire, mais aussi ceux dans lesquels je n’étais pas attendue. Je pense à la Syrie, au Liban, à Israël, à la Cisjordanie, au Japon, à la Corée du Sud, à l’Indonésie…

Entretien par Jean-Pierre Esso

About The Author

Journaliste, conseillère en communication et blogueuse. Avec Miss Cotton, il sera question de voyages, lifestyle, expériences de vie, mode et beauté.

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