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Cinq (5 ) minutes avec elle, et on arrive déjà à capter son intelligence, sa force de caractère… Elle, c’est  Ekia Badou,  le petit bout de femme qui a remplacé Robert De Brazza sur la radio Africa n°1 pendant toute une saison. Aujourd’hui dans l’équipe de présentateurs de journaux sur l’antenne monde de RFI, Ekia peut être fière de son parcours, qui n’a de mérite que par son travail et sa détermination. Rencontre inspirante et touchante avec une Ayana, qu’on qualifierait de force tranquille. 

Présentez-vous?

Je suis une femme aux origines multiples mais, pour faire court, je dis souvent être Camerounaise… La réalité est néanmoins plus complexe : je suis française parce que je suis née et j’ai grandi en France ; j’ai donc du sang camerounais par l’une de mes grand-mères, du sang ivoirien me venant d’une autre d’entre elles, du même que des origines ghanéennes… Coté « grands-pères », l’un était un diplomate angolais ayant des origines congolaises et le second, un grand commerçant originaire du nord de la Côte d’Ivoire. Je me considère, in fine, comme une métisse noire, une « afropéenne », c’est-à-dire une Africaine d’Europe !

Quel est votre parcours professionnel ?

Le bac en poche, j’ai décroché mon premier stage en rédaction en 2003 chez RFI. J’y faisais la navette entre les services « Afrique », « Culture » et « Reportages ». Ensuite ont commencé les premières piges, toujours sur l’antenne africaine de la radio mondiale. Sous la houlette de journalistes et animateurs comme Claudy Siar, Amobé Mévégué, Benson Diakité ou encore Catherine Ruelle, j’ai énormément appris… leurs enseignements et conseils m’apportent d’ailleurs encore aujourd’hui. Une fois sortie de RFI, les expériences dans des médias de renom (France Culture, France Inter, Radio Nova, France Télévisions, i-Télé, CAPA ou encore Africa N°1) se sont succédées assez vite. J’ai peut-être fait les choses à l’envers, je l’avoue, car en théorie on commence par faire du desk (travail en rédaction à partir d’images d’agence) avant de faire du magazine ou de se lancer dans les news « pures ». C’est sans doute pour ça que les portes se sont ouvertes un peu plus difficilement à moi… Et pour cause ! Le sésame d’entrée était (et est toujours) un diplôme de journalisme et, si possible, délivré par un établissement reconnu par la profession ! Qu’à cela ne tienne : je suis aujourd’hui diplômée de la trentième promotion de l’IPJ, une très bonne école parisienne ! Depuis novembre dernier, je suis de retour sur les ondes de RFI, mais au service « Monde » où je présente les journaux de nuit.

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Pourquoi avoir choisi votre métier?

Pour moi, être journaliste est avant tout une passion et faire ce métier s’accompagne d’une pression énorme parce que je suis une sorte de témoin du monde, cela implique  de relater des faits avec sérieux et précision. Il faut pouvoir assumer cette lourde responsabilité tout en étant capable de digérer l’information et de la recracher, avec pertinence et finesse. Être à la hauteur, ça commence par vérifier son information mais ça veut aussi dire réussir à se faire comprendre de tous. Être animatrice, c’est un tout autre métier. Là, j’essaye d’être moi-même et donc de faire d’une pierre, deux coups : divertir et informer.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

En tant qu’animatrice radio, j’ai d’abord été confrontée à des comportements misogynes venant de certains collègues ou artistes… J’ai également souffert d’attitudes condescendantes, sexistes ou de l’ordre du harcèlement. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée « jalousée », devenant un objet de convoitise pour la simple raison que j’animais une émission à grande écoute. C’était bizarre de recevoir des demandes de photos dédicacées, des lettres d’admirateurs ou même (mais plus rarement) d’insultes.  Idem de voir des artistes que j’apprécie depuis mon enfance me faire des propositions peu professionnelles …La science-fiction, ce n’est rien à côté de ce que j’ai vu.

Et comment arrivez -vous à dépasser cela ?

La politesse et la gentillesse n’ont pas une grande place dans ce milieu qui est, pour faire cru, un « panier de crabes ». Il m’a fallu m’adapter et laisser mes bonnes manières au placard : aujourd’hui, je mets des barrières invisibles entre moi et les autres pour que mon travail soit respecté et que ma soi-disant « plastique » ne me porte pas préjudice. Je suis et je reste toujours accueillante à l’antenne avec les artistes mais cette « chaleur » s’arrête au moment de la fin de l’émission… « Fais comme chez toi, mais n’oublie pas que tu es chez moi quand même« , comme dit le dicton. C’est ma devise lorsque je porte la casquette d’animatrice. Pour évacuer mon stress, je lis à haute voix les journaux que j’ai sous la main… C’est une manie de journaliste. Les coupures de presse, ce n’est pas génial pour cet exercice mais en me forçant à être à l’aise avec l’écriture des autres, je le suis du coup beaucoup plus avec mes propres brèves et lancements. En gros, ça m’aide à être moins stressée à l’antenne.

Quel est votre leitmotiv ? Votre source d’inspiration ?

« Tu seras la tête et non la queue ». C’est ce que me dit souvent ma mère. Ma source d’inspiration, c’est elle. C’est facile de dire du bien de sa mère mais, objectivement, je dois avouer que je l’admire. Quand elle m’a mis au monde, elle était en terminale. Elle buchait à la bibliothèque avec moi dans ses jupes et trouvait toujours le moyen de me faire apprécier le silence alors que j’étais le genre de gamine à préférer le bruit et les jeux au grand air. Avec mes cinq autres frères, elle nous a élevés toute seule sans que nous ne manquions de rien… Au contraire, j’ai été une enfant gâtée ! La première valeur qu’elle m’a transmise, c’est l’AMOUR, puis le courage et le dépassement de soi… Ensuite le respect envers les autres et envers soi-même. Même s’il m’arrive de douter et d’avoir peur, j’essaye de garder en tête le tas de phrases qu’elle tire de la Bible et me répète tout le temps pour me motiver. Pour la taquiner, je lui dis souvent qu’elle est une Bible parlante… et ça la fait sourire.


Votre plus grande fierté ?

Vivre de ma passion et subvenir à mes propres besoins sans dépendre de quiconque. J’y suis parvenue à mon rythme et par moi-même. Je ne sais pas ce qu’est le piston, mes parents et mes proches n’étant pas du milieu. Je ne sais pas ce que c’est que la « promotion canapé ». Je me base sur mon éducation, mon expérience et mon instinct pour franchir chaque étape et j’en suis très fière. Je ne suis pas arriviste pour un sou : je préfère être là où je suis que de me retrouver au « sommet » pour les mauvaises raisons. Je me sens digne, je garde la tête haute pour ne baisser les yeux devant personne.

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Un conseil aux Ayana ?

Oui. N’oubliez pas qu’aucun homme n’a le droit de vous faire pleurer… Donc, de grâce, n’acceptez jamais d’être dans une histoire qui vous fait souffrir ! Vous devez vous aimer et vous respecter. Les hommes sont des prédateurs très doués pour nous chasser mais ils sont surtout de grands enfants donc ne vous mettez pas dans des situations rabaissantes, ne perdez pas votre « power ». Être généreuse, flexible, conciliante ou disponible, c’est bien mais cela doit uniquement être destiné à un homme qui le mérite.  Si vous donnez sans compter, ils vont vous marcher directement sur la tête. Donnez du temps, de l’affection mais au compte-goutte : s’il vous en donne, rendez-en lui ; s’il ne vous en donne pas, sevrez-le. Un peu de fermeté n’empêche pas l’amour, bien au contraire. Et ça permet aussi de poser des limites. Aujourd’hui, c’est nous qui avons le pouvoir : celui de diriger le couple en faisant croire à nos messieurs que ce sont eux qui portent la culotte. Le couple est un « game » avec pleins d’étapes donc soyez joueuses… et déterminées !

About The Author

Journaliste, conseillère en communication et blogueuse. Avec Miss Cotton, il sera question de voyages, lifestyle, expériences de vie, mode et beauté.

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